Après l’amour.

Alors je suis allée voir ce film, Love.

J’espérais beaucoup, de ces émotions fortes comme m’en avaient offerte « La femme défendue» (de Philippe Harel, avec Isabelle Carré, 1997) ou «Post coïtum animal triste » (de et avec Brigitte Roüan, 1996), qui associaient tous deux les thématiques du sexe, de l’adultère et des familles. Des liens que je fais ce soir, en repensant, 24 heures plus tard, à cette projection.

J’ai lu deux critiques avant d’aller au cinéma. Une dythirambique, dans Télémoustique. Une implacable, dans La Libre. Deux avis, très tranchés.

Je réflechis, j’écoute mon ventre – c’est lui qui parle, souvent, en matière de sexe-, ma peau, ma mémoire, mon cœur… Ni chef d’œuvre, pardon monsieur Noé, ni navet.

Je ne raconte pas l’histoire, lecteur , je ne veux pas spoiler ton plaisir ou ta curiosité. C’est un peu l’effet magique de Love.

D’abord j’ai dit « Je ne me suis pas identifiée aux personnages. A aucun. »

J’avais pourtant mille raisons de le faire.

Des clins d’œil en continu, d’abord. Le premier prénom de personnage féminin que l’on entend cité, c’est.. Je te le donne dans le mille : Nora. Et d’autres… En tout, trois personnages portent des prénoms ou des noms qui font partie de moi. A croire que ce Gaspar et moi nous sommes connus dans une autre vie. Mais si j’ai la chance d’avoir croisé dans ma vie quelques réalisateurs de cinéma belges, je ne connais pas ce monsieur. Je m’en souviendrais, je crois.

Bon, le film. Le sexe, l’amour. On en parle ?

Je crois que j’ai dix ans de trop pour apprécier totalement Love. Ou trop de vie dans le ventre. J’ai vu des bribes d’existence familière, mais je n’ai pas collé ma peau dans celle d’Electra, ni dans celle de Murphy. J’ai plutôt vu ce que « on » a tendance à appeler la génération porn.

Rien de révolutionnaire. Oui, il y a une éjaculation faciale, et en 3D ça fait bizarre. Et alors, la grande affaire ? Ce n’est pas ça du tout qui m’a touchée. (Han han, je sais que c’est du cinéma, et non, je n’avais pas une goutte de sperme dans les cheveux en sortant de la salle. Pffff.)

En fait, les scènes de sexe sont humaines. Parfois belles. Parfois longues. Parfois ennuyantes. Certaines m’ont légèrement titillé les sens, parce que le désir, tu sais, et les souvenirs, et les envies d’explorer… Mais je n’étais pas spécialement excitée en sortant, ni pendant d’ailleurs. – et ça tombe bien, je me demandais comment gérer si c’était le cas-.

J’avais un doute en sortant : et si j’étais trop blindée, trop habituée aux images du désir et du sexe que pour m’en émouvoir encore ? Alors j’ai demandé à un homme qui a vu le film également s’il avait bandé. Pas vraiment m’a-t-il dit.

Dans une salle peu peuplée, confortable, avec un son excellent, il y avait pourtant de quoi se laisser entraîner. Mais voilà. Je crois que Love a touché autre chose chez moi que mes seins languides et mon ventre affamé. Parfois, le frisson du temps réveille tes reins. Le souvenir de l’amour.

Les référents sexuels sont ceux d’aujourd’hui : éjaculation faciale, plan à trois, boîtes échangistes. Comme si tout cela faisait partie d’un univers commun. Et pourtant. Ce n’est pas ma norme. Je suis sans doute vieux jeu. Désuète, je l’ai toujours dit. On peut avoir un 10/10 au test débile  « 10 expériences sexuelles à vivre avant de mourir » et pourtant ne pas intégrer les référents sexuels d’aujourd’hui.

Et franchement, à l’âge de ces personnages, je n’avais pas exploré le quart du tiers du film. Mais j’avais goûté l’amour ; oh ça oui.

Et Love m’a rappelé l’amour.

Le ventre qui se tord du manque. Ça m’a émue.

Le sourire lumineux des émois naissants. Ça m’a émue.

Les corps nus sous la douche, à se promettre mille vies. Ça m’a émue.

L’irrémédiable vide quand tu prends conscience. Ça m’a foutu la trouille et donné envie.

Plus, mille fois plus que les éjaculations du magnifique Karl Glusman. Cela dit, s’il se dénude et livre son sperme à la caméra, je suis étonnée. Il me manque quelque chose, comme une réelle mise en danger de son personnage, comme une exploration plus audacieuse. Bon, sans doute que la prostate, ça se découvre à 40 ans.

Après, je peux te raconter la 3D et les effets hallucinants qu’elle provoque. Je peux te raconter l’esthétique du film, que j’ai adorée, parce que léchée (oui, c’est facile. Mais c’est bon), colorée, symbolique, et la construction de l’image, les décors d’un réalisme parfait, entre joyeux bordel et misère de la perte de contrôle,. Je peux te parler de ce petit garçon qui m’a donné envie, un instant, de faire des gosses, même si je peux pas, juste pour goûter encore cet amour inconditionnel et violent de la chair dévorante. Je peux te dire qu’après je n’avais qu’une envie, c’était de goûter l’amour, l’amour avec du sexe et de la liberté dedans. Mais je n’ai pas besoin des drogues, je n’ai pas besoin des grands drames, ni qu’on m’arrache les tripes pour savoir la joie qu’il me donne.

Parce qu’il a raison, évidemment, le Gaspar. Et le Murphy aussi. Le sexe, avec de l’amour dedans, c’est foutrement bon. Se l’entendre rappeler est foutrement bon, aussi.

Mais tu sais ? Ne viens pas voir ce film pour le cul. Pour ça, y’a You Porn.

 

Mais si tu veux aller le voir, et tu aurais raison d’être curieux, va donc voir chez Cinebel : tous les horaires, toutes les salles y sont renseignés. Et regarde la bande annonce, tiens.

 

2 commentaires sur “2”

  1. Bonjour,

    Je partage cet avis et de manière générale, en tant qu’éditrice de livres érotiques, je déplore la médiocrité des adaptations de romans du genre au cinéma. J’ai toujours l’impression que les réalisateurs de films érotiques forcent artificiellement l’esthétisme du scénario afin que leurs œuvres ne soient pas cataloguées “porno” par le CSA.

  2. Je suis allé le voir aussi et je suis moins indulgent que vous. Je n’ai aimé aucun des personnages. L’histoire est bien mince (car, certes, elle vise à l’universel). La photo : pas mal en effet. Les scènes érotiques : lentes et plutôt fades. La seule qui m’ait intéressée était celle du trio, car il était intéressant de voir la circulation des énergies entre les trois. Mais pour cette scène comme les autres, hélas, érectomètre à zéro. Effectivement, sur ce critère, youporn est plus efficace, mais ça n’est pas parce que je n’ai pas bandé que je n’ai pas aimé le film.

    On peut supposer que les propos que fait tenir Gaspar Noé à son personnage personnage, réalisateur en puissance, résument sa propre intention (oui, je fais cette hypothèse puisque Gaspar Noé a mis de lui dans son film jusqu’à son nom, mélangé sur deux personnages) sur ce film : montrer du cul vrai tel qu’il est dans la vie, avec l’émotion de la vie qu’il va avec. Or sur ce point il échoue aussi. Hormis deux scènes (j’en oublie peut-être) où l’on sent une dynamique (la rencontre dans une fête qui se termine dans la salle de bain et la rencontre au parc des Buttes-Chaumont), on ne voit rien du mécanisme qui nous entraîne dans le plaisir érotique. Où est le jeu, où sont les rires qui précèdent le moment où, dans l’urgence, nous allons baiser dans un couloir que l’on espère tranquille ?

    Love m’a déçu comme m’avait déçu L’ombre des femmes pour la minceur de son scénario et le peu d’attrait de ses personnages principaux (le personnage magnifiquement incarné par Clotilde Coureau sauvait toutefois L’ombre…, dans Love, personne !).

    Dans Le masque et la plume, une critique ciné, qui disait détester les autres films de Gaspar Noé, voulait sauver ici l’universalité du chagrin amoureux. Oui, certes, cette douleur est touchante et nous parle mais quand on voit comment le héros y réagit 1/ je tambourine à ta porte en criant « mais ouvre moi bordel salope j’ai mal ! » 2/ je gère brillamment mon couple merdique en m’enferrant dans un mutisme, on se dit quand même que c’est bien fait pour sa gueule, à ce pauvre con.

    Bref ! Dans ce film, des personnages à la plastique parfaite s’aiment et font l’amour, c’est beau, mais qu’est ce que c’est chiant.
    La chair de Gaspar Noé est triste, hélas…

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