Être

Je ne parle pas beaucoup. Je préfère écouter les gens. Parfois je déborde, quand je me sens bien, ou quand j’ai des choses à dire. Mais dans le vide, ce que je préfère, c’est le silence.  

J’ai voyagé le monde, tu sais, un peu. J’ai vu, entendu, rencontré. J’ai écouté.  J’ai regardé. Les corps des femmes ici, là-bas, ailleurs. Les corps des femmes jeunes ou vieilles, mères ou pas, rondes ou minces… 

Je me souviens d’une jeune fille si maigre que son sexe, dont le duvet était noir et dru, était proéminent, dur, osseux, si maigre qu’elle n’avait ni hanche ni fesses. J’ai eu mal dans les os. 

J’ai encore l’image de cette femme qui apprenait la guerre, là-bas, au nord d’Israël, et qui s’est évanouie dans mes bras, en voyant fleurir les drapeaux palestiniens, dans le souk de Jérusalem. 

J’ai dans le coeur une femme sauvage, qui a enfanté si souvent que ses seins, donnant toute leur vie à ses petits, oubliaient le désir. Et pourtant son rire a la force des louves, et ses yeux l’amour des sorcières. 

J’ai rencontré une femme venue d’Afrique, qui attendait que son père revienne du maquis pour se marier. Pas par devoir, ni par tradition. Elle l’aimait si fort qu’elle ne pouvait renoncer. Un matin, le père est venu sonner à la porte de la fille. Et j’ai pleuré de joie.

Il y a eu une femme si belle que je l’ai aimée au premier sourire. Elle portait la flamme, la force des en vie, le sourire vissé au creux du ventre, l’énergie d’emmener à sa suite des hordes d’idées, et d’arrêter tout pour consoler un enfant. Je ne sais ce que la vie lui a offert. 

Et puis cette autre, ma compagne de voyage, celle avec qui j’ai créé, écrit, grandi. Celle qui me précède dans la vie, que je retrouve toujours, aux petites étapes, aux grandes folies, aux heures austères et les soirs d’eau de vie. La femme sans discours, aux baisers voraces. L’égale, la soeur d’âme, ma précieuse. 

Elle, et elle, et elles… Tant de femmes, autant de différences. D’aucune je ne peux dire toutes les envies, les convictions, les influences. D’aucune je ne sais tout, et je ne prétends comprendre.
Elles vivent, aiment, mangent, rêvent. Elles sont.
Définies par personne et par tout le monde. Existantes.

Etre.
Juste être.
Ne rien revendiquer, ne rien exiger, ne mener aucune lutte, n’envoyer aucun message politique, sociologique idéologique. 
Etre là, peau de vie, sexe. 
Etre une femme, un homme, un humain. Être à vous, être à eux, être à moi, avant tout.
Ma vie, mon ventre, mon sexe. Mon désir. 

Il n’y a aucune revendication là-dedans, aucun combat. Être. Sans bruit, sans guerre, sans colère. Être.

Les mots tombées du lit : revendiquer, être, liberté, genre, question, doute, sexe.

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