Fleur d’oranger

Dans le sérail les corps nus. La chaleur du jour éteint la conscience.
Des seins contre mes hanches, un ventre contre mes fesses, qui est-ce, la folie me guette.
Il n’y a que vapeur et chairs, dans l’air un parfum de jasmin. Les peaux dorées, parfois une étoffe turquoise, la blancheur absolue des murs et les bassins d’eau.
Une main tatouée frôle mon sein, ma peau frissonne. Je demande la bouche. On me pousse vers une natte de bois, hamac rude au balancement lancinant, je m’allonge de biais, les jambes dans le vide, comme en apesanteur. Je ne touche plus terre ni eau. Les caresses vont de mes pieds à mes cuisses, je creuse les reins.
Tout est chaud et parfumé, il me faut de l’eau, du frais, s’il vous plaît. Je reçois un thé à la menthe bouillant, la fleur d’oranger m’apaise un peu, la soif laisse place aux sensations pures, ces mains, ces seins, ces culs qui entourent ma couche.
Les unes se baignent, ondulantes beautés. Les autres se massent, huile d’amande sur corps lisses, mains qui glissent, volupté.
C’est facile.
Fermer les yeux, savourer, s’enivrer sans plus de conscience d’où je suis. La pulpe du doigt qui pince mon sein, l’ongle qui me griffe, peu importe combien elles sont et comment l’histoire finit.
Les peintures au plafond racontent mille et une vies, sans doute la mienne aussi, la grande aventure vers l’Orient, les bouches voraces à la tombée du jour, la faute suprême, cette jouissance interdite, et puis l’oubli.
La langue fraîche goûte à mon sexe.
Je voyage dans le temps, je retrouve les fleurs perdues, les âmes libres, je me souviens d’hier, du plaisir des corps, je me souviens de la tension de mon ventre, cherchant plus, plus loin, empalé sur ces sexes de bois, sans autre urgence que jouir, sans autre appétit que l’ivresse, les épices sur la peau, le parfum de menthe poivrée et de citron, la femme à côté de moi qui râle à l’explosion, mais j’ai encore faim, donnez m’en encore, remplissez-moi de plaisir, c’est ma seule fantaisie.
A mémoire perdue, mon corps marqué revit sa nuit. Ma voisine de couche aussi, dont la main traîne indolente sur le sein, humectant ses doigts pour mimer une bouche, souriant à mes yeux amusés. Elle dévoile son sexe, entre deux mouvements de balancier, sa chair de soie puis de velours, le moiré de l’envie, l’humidité.
Dans ce drôle de hamac, nous trouvons l’équilibre, entre son appétit de plaisir et mes mains huilées. A côté de nous, miroir imprécis, deux femmes mélangent leurs bouches, langue farouche et moite volupté.