Les amants déclassés

Oh je vous ai aimé, je vous ai chéri aux heures d’abandon, offrant à vos yeux brillants mes sourires lumineux. Je vous ai séduit, parfois, veuillez me pardonner, usant de mes armes comme vous des mots doux. A mes seins généreux, vos yeux aimantés, me permettaient de raconter n’importe quoi, du moment qu’il y eut dans ma voix éraillée le souffle du désir, la promesse d’une jouissance partagée. Aux heures les plus crues de nos amours féroces, il y eut des morsures, des griffes et de la chair, il y eut des morts, et des vies propagées. A nos ébats sans fin, il y eut surtout votre langue sur ma peau, et les leurres classiques des jouissances uniques mille fois répétées. Parfois, vous étiez sincère, et parfois moi. Parfois vous étiez laid, et parfois d’une beauté invisible, que ma peau épousait sans douter, pour se protéger ou pour vous regretter.

Les fils de soie tissent nos liens humains. Ce n’est qu’à mon épaule enfin posée que vous avez goûté combien la générosité, la loyauté et l’oubli pouvaient nourrir les rêves. Les affamés ont trop d’eau à boire, et les bouches trop peu de clarté à partager. 
Vous n’auriez pu sentir l’arrière-goût de muscade, l’amertume du voile, mes regards émerveillés et mes sombres cicatrices. C’est ainsi, c’est normal, je ne vous ai prêté que mes mots, mon sexe et ma bouche trop rouge. Servez-vous sans réserve, c’est cadeau, sans présumer de rien. S’ils vous plaisent, ils sont à vous.
J’appartiens, dans les épines effeuillées comme dans les rêves mouillés, à mon âme avant tout, sauvage, indomptable, et pourtant, qui appelle à l’être, étonnant paradoxe des libertés reliées. Il y a du monde sous mes côtes émotives, des flaques de larmes et des marées de désir. Ne pressez donc pas tant, à vouloir me plaire… Si vous entrez trop vite, vous risquez de glisser.

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