Pleine bouche.


Ouvrez grand les yeux à ce murmure inconvenant.

Il n’est besoin de rien, peut-être une légère ivresse, pour vous dire ce qui vous met en joie, ce qui nourrit l’égarement de l’âme, votre bouche qui sourit -je vous vois -, votre émoi redoutable. Vous mangez sagement, notre repas de joie. Une table au milieu du monde, un espace de néant.

D’où vient le désir, dites-moi ? Est-ce l’intonation de la voix ? Est-ce le sourire flatteur ou la vivacité ? L’indicible imperfection, celle qui permet ma fragilité. Un accent qui traîne, un mot ridicule. Après, vient la raison. Celle qui dit la ressemblance, l’invraisemblance, l’impossible et l’urgence. Profiter de ce jour, parce que demain ma peau sera ordinaire et mes mots désenchantés. Profiter de l’heure parce que vous riez. Profiter d’une vie, absolument, en conscience, résolument. Faire ce que l’on s’était promis, dire ce que l’on pense, aimer qui nous plaît, aimer vraiment, sans prendre rien. A la ligne. Dans ce respect, entier, ni force, ni blessure, ni brûlure. Aimer justement. Partager sans réserve ce qui est donné, s’émerveiller, encore, lucide de ce que l’on a vécu, et de ce qui peut nourrir encore. Vous souriez.

Je choisis peu, tu sais. Je louvoie, je me tais, je me déçois. Je préfère une heure à sourire, ce sourire à votre corps jouissant, sans les prolongations infernales de ceux qui n’ont rien à se dire.

Je repars à rêver, aux heures d’abandon, dans cette parfaite intimité sans frontière. J’ouvre la bouche et les mots vous noient. Le souvenir et l’envie.

Ma peau encore, que le temps dessine, qui se fait animale ou velours, si votre sexe est concave ou convexe. Et votre main, sur ma peau, à la ligne du cou, clavicule saillante.

Au-delà il vous faut choisir.
Et moi apprendre.
A dire.
Oui.
Ou.
Non.

Dire que mon sein te plaît et goûte si doux à tes lèvres. Ou que ta voracité ne peut subir plus grand délai. Exiger ta bouche entre mes cuisses, tes mains autour de mon cul, parce qu’il n’y a aucune évidence. Le lit nomade me plaît, cette immense plaine de béton, nous pouvons jouir au mur, au sol, au plafond, désir tendu vers un ciel d’eau, entre mes mains dévouées à ton plaisir solidaire. Les vibratos de Madame Fitzgerald donnent le rythme de notre ballet, cheek to cheek, corps nus dans un monde vide, sexe à sexe, reins creusés, effleurements parfaits. La cuisse autour de ma hanche, et le corps bascule, intrépides lèvres qui laissent passer l’audace, langue et doigts, il y a trop de monde pour bander sur vos émois.

A l’intime du soi, quand ma voix vous dira, au milieu de ce congrès trop sage, entre l’entrée et le plat, que votre sexe a des parfums de bonheurs, quand sans sourciller je vous dirai mon ventre mouillé, mes mains dans la nuit apaisant l’envie, le frisson à votre souvenir, et nos corps en sueur au petit matin, le sel au bout de mes doigts en mémoire de vous, à respirer encore et encore jusqu’à l’atome, jusqu’au voyage retour, et ma bouche qui se languit de votre envie. Et couper le jour d’ennui, recommencer ici, dans une chambre sans lit, un garage sans lumière, une forêt oubliée, écarter les cuisses à votre désir droit, et jouir d’un rut indélicat.

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