SNCB

L’homme assis en face de moi a la main posée sur son bassin, abandon indécent, inconscient voyage, de ses lèvres à mes seins, de ma main à son sexe. Je le regarde dans les yeux, ô merveille, je le vois timide, mais le membre dressé, sombre virilité charnue, saveurs lointaines. 

Il y a un monde fou, dans ces petits compartiments. Le couloir regorge de fumeurs en transit, qui volent aux fenêtres leur dépendance grise. Mes rêves s’approchent de l’homme chocolat. Fermer les rideaux, et la fenêtre, le monde n’existe plus, que le roulis du rail, excitant mouvement incontrôlable de l’aiguillage qui fait sursauter la chair.

Le passager me dévisage. Le couloir est étroit, les genoux se frôlent, les arômes se mélangent. J’ai enlevé mes bottes, je pose mes pieds de part et d’autre de lui. Ce faisant je dévoile à l’inconnu troublé, mes lèvres rouges et humides, mon sexe nu, la perle luisante de mon intimité. Ses bagages dispersés sur les banquettes alentours, il a condamné l’accès à tout autre joueur, protégeant de la vue ses reins excités. Je regarde son entrejambe, la fermeture boutonnée du jeans se tend légèrement. Je vois la pilosité, et devine la peau. Et je vois sous mes yeux le serpent audacieux monter vers l’air libre, chercher l’émoi, et trouver mon pied. Grossi par l’afflux, le chibre se dresse entre mes talons, parenthèse lubrique.

Les cuisses musclées s’entrouvrent, l’une défaille, tremble et frissonne. Sa main attrape mon pied. Il me parle dans une langue que je ne connais pas. C’est une supplique, je l’entends à sa voix. Est-ce encore ou arrêtez, dans le doute je choisis d’observer. Son sexe est énorme désormais, une larme affleure, le bassin lutte, à la folle poussée. Il y a le frisson, l’abandon éphémère, les yeux se révulsent et les fesses s’écartent. Je choisis d’y mettre la langue, adoucir et glisser, entre la rose et l’arbre, goûter les fruits, en aspirer la peau colorée. Je déguste les parfums, je m’enivre au tanin des cuirs graissés. Les passagers longent notre cabine fermée, j’entends les rires, les voix, les coups de sifflet. Une gare. Et si quelqu’un entrait ?

Le départ des wagons me déséquilibre, ma bouche avale plus profondément encore ce bâton de réglisse, sa tête rouge se révèle comme noir secret, et au bout de mes doigts, au doux de mes lèvres, au froid de ma langue, l’homme goûte la puissance de ma douce perversion. Ses gémissements me guident, comme une balise de souffle. Ma robe cache la main puissante qui s’active entre mes cuisses.

Les arrêts sont nombreux, moments figés, où nos regards se croisent en souriant, il n’y a pas besoin de mots pour ces complicités éphémères. Le désir me brûle, je m’éloigne de sa peau, l’urgence se fait rude. J’ouvre grand les cuisses, et chevauche sur la banquette insalubre, un homme qui fuit. Ici, maintenant, dans ce train anonyme, je veux m’empaler et jouir sur ce sexe inconnu…

Ce texte a été publié dans le recueil “Hurler des fleurs”.

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