Une femme


Et ce voyage. Ce départ vers nulle part, et partout, à la découverte de ce qui m’a touchée, émue, donné envie. Je veux dire le désir, ce désir qui en toute chose me guide. L’appétit de vivre, tout simplement. Ce voyage incessant, de soi à l’autre et retour, comme prendre la mesure de tout ce que nous pouvons. L’infini.

Parfois la fulgurance, aussi. L’embrasement qui te tombe sur le coin de la bouche, sans l’avoir prévu, sans même l’imaginer possible. Embrasser les yeux, provoquer l’étreinte, manger le corps à pleine bouche, asseoir mon sexe dans tes mains. L’instant. Cet instant-là, celui où l’on dit “Oui !”, précieux, sans prix, d’une rare exception.

Conscience et rêves se mêlent, et la fragilité. Le droit à l’imperfection première. Ce qui fait qu’humains nous sommes. Les points de réparation qui changent la donne, qui réduisent l’audace, ou au contraire obligent à ne plus se taire. Ces lignes de survie qui me maquillent, éloignant mon corps de ce qu’il était. Accrocher la cuisse, solide, dans un demi-sommeil. Y trouver la force tranquille, l’assise ferme, caresse douce qui s’égare.

Etre. Avoir été. “Oui !”

Retrouver le chemin de la peau. Juste regarder ces yeux traversés de mille questions, s’émerveiller. Ne même pas chercher les réponses, juste l’apaisement de l’âme, la complétude des corps. Et puis approcher dans un murmure, prolonger la joie, découvrir encore, perdre les doigts sur les sillons, les arrondis, l’électrique. Se casser les reins dans le désir, creuser encore, les cuisses qui claquent, se souvenir tout le jour des frissons suaves, se ronger d’envie encore et ne pas savoir si c’est d’hier ou de demain.

Je voulais vous dire l’urgence, de grand matin, sur le chemin. Et j’en oublie le monde. Le soleil ne s’est pas encore levé, autour de moi les gens dorment. Au loin, un homme a gardé son bonnet. Il est ridicule, mais peut-être pense-t-il la même chose de moi, avec mes mots brûlés et mes rêves en bandoulière. Parce que de l’extérieur, ça ne se voit pas. Vous pouvez me croiser en rue, rien ne vous dira le feu, la chair embrasée, les cuisses bleuies, l’espoir. Ou si peut-être, si vous avez l’œil attentif. Je peux sembler de glace, je peux être naïve. Je suis anonyme dans la foule, je n’ai pas de visage. Peut-être m’aimeriez-vous telle quelle, peut-être vous décevrais-je de ma banalité. Je suis peut-être cette femme que vous avez croisée dans le métro ce matin, ou celle qui vous a souri à la boulangerie. Je suis peut-être celle qui patiente devant vous à la caisse du magasin, celle qui est sur scène pendant le concert, ou celle qui donne des cours d’anglais à votre fils. Je suis peut-être votre femme, ou votre maîtresse. Et je brûle.