Voir

Face à moi, un homme émouvant lit le journal en buvant un café. 

Il n’y a que moi, sous les mots, faillible. Je peux rougir. Dans l’émoi absolu, son entrée dans mon monde trouble ma peau. Loin. La distance est nécessaire. Frénésie du verbe, curiosité. Il faudrait dire. Je me tais. Je le regarde.


Comme une découverte impudique, dévoiler mon sein comme je vous dirais mon nom. La tête qui tourne, soudain. Cette impudeur à votre regard, se laisser voir sans masque. Ne pas assouvir tout de suite l’appétit du ventre, juste nous regarder, nous regarder et attendre.


Attendre que le cœur se calme un peu, que les craintes se dissipent. Et déboutonner lentement les entrelacs d’étoffe ou de soi, et dévoiler les côtes comme on tuerait un chien, brisure violente des armures à cicatrices. Compter les os, frôler la dentelle, retrouver l’audace et le courage des mots.

« Prends.


Prends de moi ce qui te nourrit, prends à mes doigts les mots alanguis, prends à ma bouche le souffle et le désir, prends à mes mains la caresse imprévue, l’abandon inédit, le baiser sur la plaie.


Relève la tête. Souris. Souris et je t’embrasse. Souris, et je te baise. Souris et je t’aime. Souris et l’espace d’un instant, je serai tout, la soif et l’eau, la main et la peau, la bouche et le sexe, les yeux et le désir. Souris, et il y aura ce soir, demain, il y aura la percussion et l’émoi, l’emballement, le trouble, ou peut-être un frôlement, juste, un croisement de vie, un instant suspendu, invisible, une bulle, un presque rien. Comme un rêve doux au petit matin, une rencontre impossible. Tu voudras fuir mais tu resteras là, je te regarderai bander, le sexe droit, impatient. Les corps imparfaits. Emotion. A la nuit rude, au silence craintif, j’opposerai un appétit farouche, une gourmandise sans concession. J’effacerai les lignes soucieuses, d’un doigt mutin. Je goûterai la peau fatiguée, la bouche affamée, je longerai le chemin du sexe, du bout de la langue. Je risquerai le verbe comme on soutient un regard. »

Et ne rien dire pourtant. Juste se regarder. Je ne suis personne, liquéfiée et sauvage.


Dans mes yeux, aveu d’émoi. Dévorer ses lèvres au goût de café. Silence et vivre. Lire un peu, contenance facile, imaginer tout, la peau, l’émoi, le trouble, l’invitation non-dite, et si j’avais tout faux, attendre le sourire. Je joue avec le feu. Désirer. Penser. Ne pas.


Et dans le même silence, vous déshabiller des yeux.


Trembler.



Le café, l’écharpe, le froid. Les pieds droits sur le sol. L’impossible reconnaissance. Fuir. Manger la neige. Me retourner. Et lui sourire.

2 commentaires sur “2”

  1. C&#39;est difficile de commenter ici, je me sens si prosaïque…<br />Disons simplement que ça doit être chouette d&#39;être l&#39;homme qui vous inspire ces textes !

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