Frontières


Table de nuit. Petites musiques du monde extérieur. Voyage de l’intérieur. Sous le voile le sein affleure, tension délicate, un silence, l’ardeur.

Allégeance de la corde, l’archet se promène entre ventre et main. Les arrondis violoncelle, le tatouage fier, ma pâleur sous vos doigts, mes reins en émoi. On ne devrait pas raconter le désir. Rien ne rend ces troubles mieux qu’une caresse à fleur de bassin. Et je ne puis vous caresser sans risquer d’y reprendre envie.

La peau électrique. Sensation presque oppressante, le corps tend résolument au contact, la moiteur du sexe contre la main, ou le velours du sein dans la bouche, ou le souffle au creux du cou, ou la paume qui éclate sur la fesse, ou les hanches qui dansent entre les cuisses, c’est tout cela peau électrique.

Le corps défaillant, je vous confie le vacarme de mes os. La route était longue jusqu’ici, j’ai pris les chemins de traverse, et joui dans les fossés d’herbes folles, j’ai pâli au bord de l’eau, en chassant crevettes et crabe. J’ai aimé l’amer, et l’homme, beaucoup, à peau dessinée et soleil d’envie, comme les jeunes filles se pâment, et j’ai goûté vit, du bout des lèvres ou à pleine bouche, glissant la langue à l’horizon de votre couronne, prince frétillant, sursaut d’ardeur, gourmandise des saveurs de votre sexe, la nuit était si pleine entre vos doigts, laissez mes lèvres savourer votre envie, comme vous ondulez, pressez ma tête sur votre ventre, vous baisez mes joues, presque mon cou, je vous avale en souriant. J’aime que vous jouissiez, peu importe la manière. A l’heure passée, je me suis allongée dans vos mains, j’ai mis mon sein à votre bouche, puis mon sexe, pas farouche. Patiemment, au soir venu, votre désir s’oublie, laissant l’humain de vos muscles dénouer les miens. Vous savez qu’après le jour, apaisée de verbe, peau nue, c’est contre vos rêves que je m’endors.

A nuit je vous murmure les rudesses des pourquoi, parce que votre vivacité, parce que le temps m’a appris à flairer l’intelligence comme les parfums flatteurs, les corps sensibles, la peau douce à ma bouche, les voyages qui nous mènent juste après le carrefour, oh ces grandes évasions à dix centimètres du ventre, le sourire dans les yeux. Certes je ne vous connais pas, mais je vous prête l’en-vie.

Aux frontières de la conscience, nous baisons sans ambages.

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