La fin.


Ce soir j’entre en écriture comme on respire dans l’eau, l’urgence de mettre les mots justes, crier en silence.

Je suis vivante. Je suis passée par la mort, et je suis restée là. Elle a mangé mon ventre. Tu le savais, peut-être, ou pas. Ca fait un peu peur, dis, une femme qui a regardé la mort droit dans les yeux ? Pourtant, tu sais, mon sourire est plus fort, mes joies viennent plus vite, et je jouis, je jouis, je jouis, encore et fort, et doux et partout, et la transe percute, et le ventre convulse, et l’eau quitte ma bouche.

alors ce jour –là, j’ai marché vers le parc, il était tôt, très très tôt, les gens dormaient, beaucoup. J’ai marché vers le parc, où les enfants vont jouer. Les enfants qu’ont les femmes à qui la mort n’a pas mangé le ventre, tu sais. Les femmes aux corps lisses, les femmes jeunes et insouciantes, les femmes qu’on épouse deux fois.

Et le mini-golf avait brûlé. Et l’on réparait la terre, des blessures du feu, des années après, en y semant des fleurs, des arbres, de ces choses pérennes essentielles mais fragiles. Et j’ai pris ce chemin, et

Je croyais que je savais les choses. Et je ne sais plus rien.

J’ai envie de poser ma valise. Prendre le temps d’apprendre, prendre et apprendre la peau, la vie, les mots, les failles et les forces. M’emballer d’une âme belle et prendre le temps de découvrir cette richesse en concentrant mon regard plutôt qu’en le dispersant. L’intime partagé, indécent absolu, qui permet tout, ensuite. Explorer les chemins de peau, les rides de nos vies, les frissons du bassin, comprendre et pourtant redécouvrir, connaitre mais s’émerveiller.

Avoir le droit de poser, oui, se poser là, tête sur l’épaule de l’autre, sexe dans ventre, doigts dans bouche ou poignet meurtri, et redécouvrir encore, se connaître sans, s’apprendre en oubliant.

Je veux des voyages immobiles. Je veux rêver mes plans sur la comète de tes yeux, quand le regard se fait trouble, quand je mords ma lèvre, quand tu perds pied, quand j’enserre tes doigts. Je veux apprendre ta peau, vieillissante ou fragile, je veux connaître les lignes du corps, et pourtant les redécouvrir, je veux observer ce sexe qui se dresse, matière, impalpable désir qui devient urgence, comme toucher, comme goûter, comme ma langue autour et dedans, comme empaler les rêves.

Peut-être que le lien, c’est celui que tu ne vois pas. L’homme fiable, quoi que je vive, celui qui ne meurt plus, ou tout le temps, dont le désir change, dont les mots s’égarent doux ou cru, celui qui m’emmène vers l’indécence d’un regard ou prend ma main, juste ma main, les soirs de doute, pour m’autoriser le repos.

Suis-je capable de ça. Ce que nous sommes ?

Je suis debout, je croyais que j’étais forte, et le pied m’a balayée, et la peau m’a renversée, et je suis à terre, dans le doute et la certitude dans le même temps. Et je sais pourtant, que dans huit jours, un mois, trois ans je n’ai pas mal, je suis dans une vie autre, je suis peut-être la femme comblée d’un seul homme, ou l’amante interdite. J’ai goûté, le silence et les cris, j’ai joui en hurlement de louve ou en sourire discret, j’ai écouté les hommes, les souriants, les timides, les sincères de l’instant ou les blasés de trop de vie. J’ai écouté, et j’ai savouré. Sans doute il est temps de m’arrêter maintenant, d’oser le courage du grand voyage. Celui où, le sexe apaisé et les esprits retrouvés, tu ouvres la porte. Dire. Voici qui je suis. Je rentre mes crocs, je donne ma peau, je me pose là, je m’abandonne.

L’ultime intimité, celle du sommeil. L’inquiétude absurde et insensée, celle que rien d’autre ne rassure ; se retrouver dans l’abandon total, la perte de conscience, au-delà du désir, le repos, l’abandon de soi.

Qui sera pour exiger, conditionner, restreindre les libertés ? Et pourtant, si précieux serait ce choix d’apprendre l’autre. Je sais, je suis désuète. Une peau qui ruisselle des heures d’émois, et j’y goûte l’amour.

Je voudrais ne pas avoir à convaincre, être juste là, celle qui a plu et qui plaira, quand le sein se fera moins ferme, ou la courbe plus confortable, quand la vie nous rattrape, la peur de demain, la peur de mourir seul, tu sais ? Tu ne sais pas ? Alors tu n’as pas vu, l’instant où on perd contrôle, le moment où la vie t’échappe, les muscles se tendent absolument, l’attente de l’impact, une demi-seconde ou trois mois, le temps est relatif quand la fin approche.

Je suis revenue de là-bas, j’ai vu la fin, j’ai perdu un peu de moi. J’ai abandonné ma chair et sauvé ma peau. Et j’ai découvert un peu de vie, autrement. Ce voyage immobile, quand ton corps approche du mien, cette fragilité forte, cette audace de tous les risques, cet aveu :


La peau qui est contre la mienne est mon seul essentiel. 

Ton sexe qui se dresse contre le mien est mon seul appétit. 


La peur qui déchire mon ventre est la peur primale. 


Dire. Je peux dire. Cette peur absolue, et dans le même temps cette aspiration si simple : au-delà du ventre qui possède, au-delà du glaive, au-delà des mots, je sais que le soir venu, après les voyages et les désirs titillés, après le facile abandon ou l’assurance factice, je sais. 


Parfois la survie se fait belle. Parfois la vie percute, le goût du sel est presque vivace, les chairs se renourrissent des rêves , les rêves s’envolent des désirs, et les peaux se rejoignent, simplement. Les corps se délient, la décence s’oublie, les bouches se dévorent, les seins sont pétris, les sexes tendus, les peaux suent et c’est bon, les odeurs se mêlent, tu sais, quand tout le jour tes mains sentent mon sexe, et qu’au fil des heures tu serres le poing pour garder l’humeur. Me retenir, me retenir encore un peu, quand déjà je m’envole, laisse partir mon âme, nourris mes égarements, sers-t’en pour m’aimer plus fort, laisse-moi voyager, que j’aie le plaisir de revenir à toi. Que chaque matin à ton sexe tendu, je me blottisse enfin, cueillant à ta peau les mots de mes histoires. Ou que je pose cette plume, reprenant ailleurs et autrement, d’autres voyages, d’images et de son, de chair et de sang, tout autant moi, juste une vie.

Etre libre d’être soi. Alors les seuls mots, c’est baise-moi.

et un homme est arrivé, devant les barrières métalliques de ce jour indécent, et il m’a regardée, il souriait, il était beau, trop beau pour moi, ça se dit pas non ? Mais il était trop beau pour moi, et j’ai pensé : « Je pourrais passer ma vie entière à lécher votre peau ». Et j’ai dit :

3 commentaires sur “3”

  1. merci nora. tu es une femme si Belle.je ne peux que souhaiter une fin comme souhaitée ou plutôt un commencement…<br />sylvie

  2. &quot;Et j&#39;ai dis:&quot; ….<br />ça a comme un gout d’inachevé, il manque une suite que l&#39;on veut connaitre, on a envie de voir comment se termine l&#39;histoire<br />Que cette suite arrive bien vite, et surtout quelle se termine bien

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