Délicieuse Elisa,

Il est des rencontres qu’on s’interdit longtemps, parce que le monde, le temps, les urgences, les promesses. Et puis il y a les évasions, quand tu m’invites dans ton monde, quand tu dessines mes plaisirs, quand je respire dans ton lit. On se construit des désirs, on se nourrit de fantaisies, parfois sans oser reprendre le souffle du monde : et si la réalité était moins jolie ? 

Mais joie, quand de loin j’ai reconnu ces hanches mille fois effleurées sur l’écran, mais faim quand ton sein se dessinait délicat, sous le satin. Mais trouble quand tu as souris, hésitante et forte à la fois, et murmuré ces premiers mots, ceux que l’on remâche trois heures avant de parler pour finalement bafouiller. Le désir nous rend plus souvent timides qu’impétueuses, nous avons cela en commun. Il nous a fallu ces longues minutes pour je croise tes yeux. Pourtant, l’écran des confinements nous avait donné l’audace, la distance aussi… Ni toi ni moins ne pensions qu’un jour, on franchira le pas d’une rencontre résolument sexuelle. Tu as écrit ce que tu n’oserais pas vivre, et je t’ai pris au mot.  

Je te regarde, sirotant ton café juste à côté de moi. Tu as les joues rosies et l’oeil brillant de ces instants d’après plaisir, quand les reins frissonnent encore des souvenirs, quand la peau sent l’autre, quand on hésite entre encore et au revoir. 

Moi, je souris. Je me régale de la mandarine de ton sexe sur mes doigts, et je souris. 

Tu le sais, dis, qu’on ne bouleversera pas nos vies après cette rencontre ? Cela deviendra un souvenir qu’on suce jusqu’à l’os, même quand la couleur de mes yeux s’estompera dans ta mémoire. Même quand tu hésiteras à me lire  par peur d’y lire le plaisir d’une autre, et de cette petite claque à l’égo qui te fera douter de la préciosité de l’instant. Même quand pendant des mois je disparaîtrai de ta vie, pour te retrouver juste une nuit, à l’autre bout du monde. 

Tu le sais que je n’aime ni les toujours ni les jamais. J’aime juste les râles de ton plaisir, quand ma langue te déboutonnait, la sueur moite de tes reins dans la nuit infinie, tes doigts emmêlés dans mes cheveux quand tu as joui.  

Je peux t’embrasser, maintenant ? 

Ce texte est la réponse au délicieux courrier que m’a envoyé Elisa Stark dans le cadre du concours lié à la sortie de mon dernier recueil, “Être la femme contrebasse”.