Les amants koalas

Les yeux clos, les bruits du dehors, le ronronnement du chat, et la respiration de l’homme. Et les bras de l’homme. Ses cheveux. Sa nuque. Ses doigts. Son ventre. Imprégnés, épuisés de sexe. Nos avons joui. Fort. Longtemps. Souvent.

Ce sont les heures d’après.  Le soir, la nuit, le petit matin ? Après. Les confidences, le vin, le repas longuement mijoté ? Après ça. Les sexes propres, les dessous chics, les fantaisies enjouées ? Bien après ça.  

En général, ces heures-là viennent après la fin de l’histoire, le récit s’arrête au propre et lisse, au joli sexe nimbé de bougies à la rose. On ne dit pas le sommeil partagé dans la fange du plaisir, les corps parfumés de foutre et de cyprine, de sueur et de salive, les peaux trop moites et les cheveux emmêlés, les aisselles puantes de la nuit, les draps détrempés. Ni les petits déjeuners zombie, un café, deux cafés… trois cafés ? Merci. Et ralentir le temps. Et peu importe finalement que le jour soit déjà à moitié mangé, retourner se coucher. J’étais sale. J’étais nue, sans aucun des apparats qui avaient égayé les heures passées. J’ai dormi un moment.

Je suis revenue au monde lentement, consciente bien avant d’ouvrir les yeux.  Chaque caresse était sourire. Chaque frisson, abandon. J’ai glissé ma tête au creux de son cou. J’ai enroulé mes cuisses, mes bras, et son corps est devenu comme un aimant, collé à moi à peu près partout, dans une moiteur extrême, une puanteur humaine des plus réjouissantes, des amants koalas, agrippés à l’instinct. Ma peau fondue à la sienne, mes hanches étaient son bateau, ses mains mon port. Pendant un instant infini, le silence était parfait de râles et de souffles, de sourires et de jouissance. Comme la vague recouvre le sable, comme le vent balaie la neige, dans la plus sublime des normalités, dirait Jana Czerna, il n’y avait que – mais c’est tellement – des peaux fusionnées, des sexes emboîtés, et le regard-cadeau qui accompagne chaque mouvement. S’accrocher à l’autre comme on aspire l’air, se fondre et se remplir, goûter un instant d’absolu réconfort, s’autoriser la plus vulnérable des nudités… Le monde tournait sans nous, et nous sans lui. Et l’instant, le geste, le plaisir, la joie, le cœur, le silence, nos corps, nos sexes étaient parfaits.