Dire le beau. Les indécences feutrées, les lieux secrets, les abandons joyeux…Mais le beau. Rien d’autre n’a de sens, tu sais ?
– Fais des efforts. Adapte-toi. Essaie de comprendre les autres, elle dit.
– Il y a des pleins, des vides, des pointillés, des éblouissements. La joie qui rend mon pas léger : c’est une émotion. La sensation d’ivresse après la jouissance : ce n’est pas une émotion, j’ai dit.
Ils prennent les choses à cœur, aux tripes, quand je regarde de loin.
Ils mettent leurs tripes sur la table, dans un fatras sanguinolent de sentiments dégoulinants, quand je cherche l’angle.
Ils s’empoignent les corps à pleines mains, les doigts pinçant la chair, les dents dévorant l’oreille, les poings tirant les cheveux, les bouches voraces et les lèvres écarlates, quand je passe doucement l’index au creux de ton genou.
Il y a ce bout de tissu dans mon lit. Il sent toi. Je renifle. Je suis animale, parfois.
Faut-il être autre que ça ? Faut-il parler des contingences, de ce qui aurait pu ne pas être, se chercher des pourquoi et des comment ?
Je suis bousculée.
Ressortir la grille de lecture du monde.
Chercher le café.
Dans mon monde à moi, il y a des lignes, et il y a les courbes.
Quelque chose m’a échappé, comme un sourire par surprise, une saute d’aiguille qui change la chanson, un éclat qui dévie le soleil, tu sais, quelque chose comme ça. Fluide. Inattendu. Imperceptible mais immédiat.
Il y a ces petites lignes au coin de tes yeux, qui dessinent un monde, quand tu souris. Si je suis l’angle trois fois vers la droite, j’arrive au creux de l’oreille, souffle court, murmure indécent des désirs à connexion multiple.
Que la peau parle à la peau, que les yeux parlent aux yeux : on sait, on a appris. On le fait tout le temps, sans trop réfléchir, et que je te verbe, et que je te substantive. Mais que la bouche s’adresse directement au sexe, que les doigts parlent au ventre, et la logique s’enraye. Les parallèles se sécantent, en une indécente diagonale. L’inattendu uppercute, et tout devient facile. Encore plus facile.
Lemniscate, nos errances, les pas, les mots, les peaux. Les délicatesses qui s’embrasent, les silences qui rient, et le doigt, la main, le sexe. Et recommence.
Parabole, mes nuits sans sommeil, j’essaie, je ne peux pas. Alors je te regarde dormir, et tu ne le sais pas. Tu es totalement serein, la nuit. Tu ronfles parfois. Alors je lâche prise, et quelques minutes ferme les yeux.
Gaussienne magnifique, la fréquence de mon plaisir, de l’extase à bout de souffle au sourire étrange des dernières sensations, quand ton sexe a joui, et s’apaise dans le mien, avant de redevenir ligne. Hier je pensais, quel étrange instant que celui où le sexe est chat, à la fois dedans et dehors. Mais vivant. Vivant et large, à écarter le velours, et percuter les cuisses, bleues. Vivant à emplir, nourrir et rassasier le ventre en pointes de sel. Il faut bien, disait-il, il faut bien que le corps exulte. On peut faire comme si. Mais quand la tornade de plaisir me rattrape, le sexe empalé sur le tien, et glisser lentement, et retrouver l’éclat, quand l’angle est parfait, quand la chaleur moite infinit les nuits, et coulisse, et cambre et contracte, et abuser sans contrainte. Te regarder sourire quand tu jouis. C’est beau.
Et puis, par-dessus tout, l’odeur. L’odeur de ta peau, qui reste sur les draps. L’odeur du sexe, qui colle aux doigts, aux cheveux, aux lèvres parfois. Et à la pointe du sein droit, éclaboussé de joie.