Tu es belle

Le sexe saturé, l’eau coule entre mes cuisses. Ta bouche se promène encore entre mon ventre et mon sein, et je cherche souffle, je guette la brulûre qui annonce les orgasmes les plus longs, quand bouche, doigts et sexe se conjuguent, quand tu me remplis autant que tu me vides. Ton sexe dans ma main glisse, palpite, gronde et danse, tu fuis la caresse. Tenir, tenir encore, dis-tu. Mon souffle se fait râle, quand tu cèdes et plonge dans ce creux vorace, cette fronce moite. Le mont se fait volcan. 

Ton pouce caresse doucement le minuscule gland, ta main pince mon sein, tes reins trouvent le rythme. Convulsion magnifique. Je crie. 

Il y a toujours ce silence après le sexe. Parfois, on sourit. Parfois on dort. Parfois on chuchote des mots sucrés. Tu me dévores encore. Tu fixes mes yeux, ma bouche, tu attends.   Les mots jaillissent de toi dans une tornade bouleversante. Je souris.

La suite que nous avons réservée pour la nuit a une de ces salles d’eau dignes des thermes anciens. La baignoire en mosaïque topaze, à même le sol, est éblouissante. Je regrette presque nos projets, tant les lieux mériteraient l’indolence parfaite des hammams soyeux.  L’eau brûlante emplit la pièce d’une buée aux parfums de jasmin. Nous plongeons nos peaux encore salées dans ce bleu apaisant.  L’éponge ruisselle sur ton dos, tes taches de rousseur sur les épaules racontent l’été dernier, la plage et l’insouciance, loin du monde, nos corps qui changent au temps qui passe. 

Je t’enroule dans un immense drap de coton blanc. Tu savoure chaque sensation, comme si cette nudité retrouvée avait réveillé ta peau. La soirée qui nous attend exige la perfection. Nous prenons ce temps infini, le temps de la parure, les soies de couleur vive, les bas qu’on enfile sur les cuisses, le crissement sur la peau, l’escarpin qui emboîte le pied. Je te regarde changer, choisir l’élégance. Tu as tout prévu pour ce soir : de la dentelle délicate, une robe fluide, de celles qui flattent le sein et la taille.  Un long manteau blanc. 

Ton pouce caresse doucement mon sein à travers le balconnet. Il te reste parfois ce sourire vorace du conquérant magnifique. Tu t’en excuses presque. Tu t’habilles enfin.

Dans la salle de bain, tu appliques avec minutie une ombre à paupières, un peu de mascara. Tu colories tes lèvres, un rouge rosé du plus bel effet.  Ce voile dans tes yeux, encore. Tu doutes. Tes traits affinés par le maquillage, ta peau douce, ce nylon légèrement teinté sur tes jambes…  Je suis presque jalouse. Tu ris.

Tu as une allure de diva. Ton audace me laisse rêveuse. Tu es le plaisir luxurieux, la femme qui regarde le monde, l’assurance paisible. Tu es de ces créatures libres qui bouleversent par leur simple existence : tu es le sexe trouble et la mère que j’aurais aimé avoir. Tu es Mata Hari et l’amie à qui je confierais mes plus excentriques fantaisies. Tu es la soeur qui partage mon chemin et la femme que j’aime du fond des tripes.  

Je prends ta main. J’ai le coeur trop creux des notes, il me manque depuis si longtemps la fougue de la Traviata, les larmes de la Mamma morta, l’absolu de Nessun Dorma. Ce soir d’octobre, nous retrouverons la musique. Ce soir, nous sommes ces deux femmes insouciantes qui partent savourer une nuit à l’opéra.  

Dans la salle parée de velours, les lumières adoucissent les ombres de ton regard. Je sais déjà que l’émotion va me noyer. Verdi me bouleverse, comme si les incompréhensibles mots parlaient au ventre plus qu’au cerveau, comme si la musique résonnait littéralement dans les corps.  Violetta m’apprivoise, et je serre ta main. Parfois, le beau m’aide à être au monde. Je suis presque vivante, je goûte les sensations comme des courbes aplanies, la vie pique moins fort.

Ton pouce caresse doucement mon poignet, comme on rassure l’enfant sauvage. Tu es mon amie, au corps changeant.  Tu connais mes luttes, j’accompagne tes combats. 

Peu importe ce monde. Peu importe si demain tu portes à nouveau un costard trois pièces-cravate.

Ton pouce caresse doucement ma joue baignée de larmes. “Tu es belle”, dis-je. 


La musique qui accompagne :