Je préfère jouir sur la Traviata

Le plaisir est dans l’oreille. 

C’est étrange ? Il suffit d’une vitre pour nous soustraire du monde. Il suffit d’une porte close pour permettre tous les égarements, des soupirs aux cris.

Nous partageons un café. Je fume, avec indécence. Je souris peut-être, et peut-être même je regarde ton cou – piège à baisers- ou tes cheveux. Mes lunettes te protègent de l’audace de mon regard. Je fais société. Je parle, je souris. 

Au monde, sous les étoffes, nos peaux sont dangereusement proches. Je peux sentir ton odeur, je peux sentir ta chaleur, et même le relief de tes tétons, et rester pourtant décente. En apparence. Je peux même caresser ton dos et sentir le frisson de ta peau, et n’être que bienveillance. J’ai souvent les yeux baissés, c’est vrai : j’aime deviner les sexes. Mais quand je pose les verres, et l’étoffe, et le silence, je ne suis plus que peau et chair, moiteur et soupir. 

Je préfère jouir sans mot, dans ces silences étranges, nourris de soupir et de rire, de cris aussi. Le cri de l’orgasme qui te possède au bout de mes doigts. Le gémissement de mon sexe contracté autour du tien. Le soupir qui se fait râle pour prolonger, quelques secondes encore, la convulsion de l’extase. 

Je préfère jouir sur la Traviata.

A chaque envolée de Violetta, mon bassin rue à la rencontre de tes doigts. Folia, folia… Les trémolos sont comme mes hanches, convulsions parfaites du plaisir,  les violons guident mes cuisses, et mes seins dansent sous tes yeux affamés. Mes poings s’entrechoquent au rythme de nos transes, dans un silence humide, peaux qui se frottent, sexes qui se percutent. 

Tu peux pétrir mes seins, lécher mon sexe, enfoncer tes doigts dans mon cul… Tu peux frémir, crier, soupirer, souffler. Le bruit de ton plaisir est ma musique. Nous resterons des amants anonymes, corps parmi d’autres corps, plaisir anodin et facile. Car c’est au fond de mes yeux que se disent mes vérités.