– Préambule –

Monsieur,

Il y a cet instant où la peau impose sa loi, son électrique envie, ce moment où vous êtes si proche que j’en frissonne de la nuque aux fesses, désir aux abois, reins gourmands, et, comme un ver musical dans mon esprit, la faim de votre sexe. 

J’ai résisté longtemps, trop lucide sans doute, aux égarements impromptus de mes pensées, aux souvenirs tentants. Peut-être, chaque chose en son temps. Et peut-être que ce temps est maintenant. Alors sans plus de bruit, j’ai tombé les barrières. Dans l’absolu de l’instant, peu importe le monde, la morale ou le temps, vivre ou rêver, mais s’abandonner. Les égarements de la chair sont nourriciers. Le plaisir, le frisson, le râle, l’extase, sont de l’énergie pure, à la source des corps. Entre café et gastronomie, j’ai le goût du sexe. 

Je veux plonger dans l’abîme du désir, certes, mais avec conscience et respect. Est-ce un paradoxe ? Je ne pense pas. Il faut beaucoup de confiance pour se laisser perdre la tête. 

Avant que la partie ne commence, je poserai quelques bases, préalable à toute liaison saine, qu’elle soit charnelle ou amoureuse.

L’inconditionnel n’a pas sa place entre nous. Je réserve cela aux fruits de ma chair, et à mes amis les plus chers. Le reste se gagne à coup de reins et d’éblouissement.  Je vous aimerai donc sous condition.  Je peux changer d’avis, à tout instant, sans aucun préjudice.

Je ne vous raconterai pas d’histoire, je ne veux pas d’un rôle qui n’est pas le mien. Je ne veux être ni celle qui attend votre retour, ni celle qui partage vos jours. Je ne veux l’être pour personne. Imposteur n’existe pas au féminin, et là n’est pas mon désir.

Dans un premier temps, nous nous verrons pour du sexe une fois par mois, pendant deux à trois heures maximum.

La première fois compte pour du beurre. Nous sexerons ensemble sans enjeu autre que de découvrir nos corps, les apprivoiser. La deuxième fois, nous chercherons les plaisirs mutuels. 

Après ces deux rencontres, nous ferons le point. Il se peut que je ne sois pas à votre goût, ou vous pas au mien. Si tel est le cas, nous nous arrêterons là, sans remord ni regret. Si toutefois nous décidons de poursuivre, nous conviendrons ensemble des fantaisies à explorer. Je me délecte rien que d’en imaginer la liste, plus longue que le vit. 

Puisque nous avons des relations multiples, nous nous protègerons. C’est le respect le plus élémentaire, et non négociable. 

Je ne veux pas être la seule, mais je veux être unique. 

Celle que vous retournez sur le lit d’un coup de doigts, celle qui prépare chaque rendez-vous comme une fête intime et lubrique, celle dont la peau s’imbibe de votre foutre joyeux, et s’endort dans les souvenirs heureux. 

Je ne veux pas être votre ordinaire. Je veux être le feu. 

J’aime l’idée du temps suspendu, de la liberté absolue des corps et des envies, que ce soit pour dire non, ou pour dire oui. Aujourd’hui, je choisis de dire oui. 

Nous pouvons faillir, faiblir, renoncer, parler plutôt que baiser, ou nous pouvons jouir. Cet espace partagé -une chambre d’hôtel, un lit, sous la douche, ou sous le ciel de minuit- est un espace libre et bienveillant. Que nous jouions de la douleur, ou la plus grande douceur, de la contrainte ou de l’instinct, nul mal ne serait fait intentionnellement, à aucune des parties.

Sachez que je ne m’interdis rien. En retour, j’attends de vous la plus grande liberté, et l’abandon absolu, tant dans les sensations que dans les émotions. Il vous faudra exprimer vos désirs et plaisirs, vos appétits et vos satiétés. Et je ferai de même, évidemment. 

Enfin, ceci est la base non négociable d’une liaison heureuse : le patriarcat n’a pas sa place dans mes draps. Le sexe est trop beau terrain de jeu que pour être abîmé par le monde. Soyez maître ou soumis, soyez l’audacieux ou le timide, portez le masque ou regardez-moi au fond des yeux, soyons tendres ou rudes,  inventons les scénarii ou laissons-nous porter… Peu importe qui de nous deux mène la danse, en dehors de nos jeux, nous serons sur un strict pied d’égalité, d’humain à humaine, de libertin à liberté. 

Merci de retourner la présente, avec la mention lu et approuvé. Si nous sommes d’accord sur ces bases, nous pouvons commencer. 


Use me

Ce texte s’inscrit dans une nouvelle série, “Use me”. Je ne sais quelle forme elle prendra, quelle régularité, quelle part de fiction ou de vérité. Comme pour F(r)iction, elle est ma lecture fantaisiste du monde qui nous entoure. Le dernier Love & Sex Festival a été l’occasion pour l’équipe de programmation de s’interroger longuement sur l’articulation sexe et patriarcat. Comment construire une liaison hétérosexuelle sur un pied d’égalité ? Est-il possible d’aimer les hommes dans une société patriarcale ? Une relation égalitaire est-elle possible ? Faut-il poser des balises entre ce qui se passe au lit – attame mi amore – et en dehors de celui-ci ? Peut-on être féministe et aimer la fessée ? Spoil : oui. Alors explorons, oui ?

Le sachiez-tu ?

Le 4 septembre, c’est le #WorldSexualHealthDay. Sortez joyeux, sortez couverts.